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En Gambie, succès populaire des auditions de la Commission vérité et réconciliation

Depuis le 7 janvier, l’instance donne la parole aux victimes et aux protagonistes pour faire toute la lumière sur les vingt-deux années du régime dictatorial de Yahya Jammeh.Le 21 janvier 2017, le dictateur Yahya Jammeh part en exil après vingt-deux années au pouvoir.

Le 21 janvier 2017, le dictateur Yahya Jammeh part en exil après vingt-deux années au pouvoir. STRINGER / AFP

Le bruit de la ville a changé. Dans les rues de Serrekunda, la plus grande ville de Gambie, les mêmes voix se répondent de quartier en quartier. A partir de 10 heures, chaque matin, les molettes des postes de radio se figent sur la fréquence des stations qui diffusent les auditions de la Commission vérité, réconciliation et réparations. Et le soir, en prime time, les familles s’installent devant la chaîne privée QTV qui rediffuse à son tour les auditions. « En ce moment, en Gambie, c’est l’émission la plus regardée, précise Bubacarr Sanyang, un étudiant de 23 ans. Elle est suivie par chaque citoyen. » Parfois comme un lot de consolation pour celui qui ne trouve pas place en journée au siège de la Commission.

Car vivre les débats en direct, c’est encore mieux. Parfois, la salle d’audience affiche complet 30 minutes avant l’ouverture des débats. Une partie du public peut se voir priée de rebrousser chemin. C’est ce qui s’est passé le 24 avril. Ce matin-là, il y avait affluence pour le témoin n° 57, Sanna Bairo Sabally. Cet ancien numéro deux de la junte militaire, qui a pris le pouvoir en 1994, est accusé d’exécutions sommaires et de torture. Il vit aujourd’hui entre le Sénégal et l’Allemagne et a fait le déplacement sans contrainte, mais bien pour avouer ses crimes.

Plus de 100 morts

Cette structure n’est pas un tribunal. Elle a pour mission d’enquêter et de répertorier l’ensemble des violations des droits de l’homme commises entre juillet 1994 et fin 2016. La déconstruction progressive des vingt-deux ans de régime dictatorial tient le pays en haleine. Ces deux décennies ont fait plus de 100 morts et 700 victimes recensées par le Centre gambien pour les violations des droits de l’homme.

« J’ai eu envie de pleurer quand ils m’ont dit que c’était plein et que je ne pouvais pas rester », raconte Soriba Ceesay, 34 ans. En vacances chez ses parents, ce Gambien de la diaspora préfère la Commission aux plaisirs de la plage. « Les Gambiens attendaient ce moment depuis longtemps. Ils en veulent plus », martèle-t-il, sachant que la Commission dispose d’un mandat de deux ans pour faire la lumière sur les assassinats politiques, la répression des manifestants et des journalistes, les tortures.

Sanna Sabally raconte, lui, les tortures qu’il a subies. L’ancien tortionnaire devenu victime n’oublie aucun sévice. Son récit infernal est ponctué de pleurs et de gémissements. L’horrible histoire diffusée dans les foyers gambiens n’a rien du divertissement.